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L'esprit de Tibhirine, et autres récits - Page 10

  • L'imam Azzedine Gaci se joint à la conférence du 19 octobre

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    (Très grand merci à Marie-Charlotte Pezé et Michaël Whitener (www.mariecharlottepeze.com et
    http://michael-perfect.com)pour la conception de la maquette de l'affiche)

    J'ai le plaisir de vous annoncer qu'Azzedine Gaci vient de répondre positivement à mon invitation à la conférence du samedi 19 octobre à Lyon 2e. Il interviendra donc à nos côtés, ainsi l'équilibre entre paroles chrétiennes et musulmanes sera-t-il respecté. J'y tenais car il serait trop facile de parler de "l'autre" à sa place, ou en son absence. Recteur de la mosquée Othmane de Villeurbanne, cet imam, par ailleurs enseigneur-chercheur en physique à l'Ecole de chimie, physique, électronique de Lyon, est l'un des principaux acteurs du dialogue islamo-chrétien en France : il a été membre du Conseil français du culte musulman et deux fois président du conseil régional du culte musulman en Rhône-Alpes. En 2007, il avait été l'initiateur du voyage interreligieux à Tibhirine avec le cardinal Barbarin. Azzedine Gaci connaît les textes et le contexte. Il a une vision fine et documentée de l'état des échanges entre chrétiens et musulmans. Son témoignage sera, lui aussi, d'un grand intérêt. La conférence, qui portera sur le thème "Comment les moines de Tibhirine ont changé nos vies", fera intervenir les nièces de frère Paul martyr de Tibhirine (Françoise Boëgeat, Annick Chessel), Allaoui Abdellaoui (porte-parole de la confrérie musulmane soufie Alawîyya, ami de Christian de Chergé et témoin des rencontres du Ribât el-Salam au monastère de Tibhirine), ainsi que moi-même, à l'occasion de la sortie, le 3 octobre, du livre L'esprit de Tibhirine, dans la collection de poche "Points Sagesses".

    N.B.
    Compte-tenu de l'importance de l'événement, la conférence aura lieu à la salle Sainte-Hélène, 10, rue Sainte-Hélène, Lyon 2e (métro : arrêt "Bellecour"), à partir de 15 heures. La salle dispose d'une capacité d'accueil de 320 places. Libre participation aux frais

  • Conférence exceptionnelle à Lyon pour l'entrée du livre dans la collection "Points Sagesse"

    Cher lecteurs,

    pointssagesse.jpgCe n'est pas tous les jours qu'un livre, surtout à une période où l'édition accuse sévèrement le coup (450 ouvrages publiés en cette rentrée littéraire, contre 700 habituellement), ce n'est pas tous les jours, donc, qu'un livre, a la "chance" d'être republié en édition poche. Le relatif succès de L'esprit de Tibhirine, sorti il y a un an aux éditions du Seuil (15000 exemplaires écoulés au 31 décembre 2012, sans compter l'édition d'un audio-livre, l'édition en Grand Livre du mois, et la prochaine publication en Italie), nous permet aujourd'hui un tel "privilège."

    J'en suis d'autant plus heureux - et les moines avec moi : Frère Jean-Pierre m'a fait part de son bonheur, dans un mail reçu il y a deux jours - que notre livre entre dans la belle collection "Points Sagesse", qui regroupe les classiques de la spiritualité, et dont le catalogue n'est pas si étendu que cela.

    Pour l'arrivée de cet ouvrage en librairie, le 3 octobre, une fête s'imposait!

    Nous organiserons donc, le samedi 19 octobre, à 15 heures, une grande conférence à la salle Sainte-Hélène (centre culturel du lycée Saint-Marc), 10, rue Sainte-Hélène (Bellecour) sur le thème : "Comment les moines de Tibhirine ont changé nos vies". L'idée ayant germé avec la librairie Saint-Paul de Lyon, cette conférence se tiendra en association avec cette librairie et avec l'Espace Saint-Ignace (Jésuites de Lyon).

    Quatre personnes (outre moi-même) interviendront à tour de rôle devant le public ce jour-là :

    - Annick Chessel et Françoise Boëgeat, nièces de frère Paul, moine de Tibhirine assassiné en 1996 : elles vivent à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), sont investies dans le secteur social et très sensibles au relations interculturelles. Elles ont suivi de près depuis 1996 la tragédie de la mort de ces moines mais aussi la mise en lumière du message de ces hommes. Ceci influe sur le cheminement de leurs vies et leurs engagements. Les "avoir" à Lyon est une chance considérable.

    - Allaoui Abdellaoui, musulman soufi, porte-parole de la confrérie soufie Alawîyya, et figure importante du dialogue interreligieux, qui a personnellement connu les moines de Tibhirine et plus particulièrement Christian de Chergé, viendra spécialement de Suisse : une grande chance, là aussi, que de pouvoir écouter son témoignage.

    - Azzedine Gaci, imam, recteur de la mosquée Othmane de Villeurbanne et enseignant-chercheur en physique à l'Ecole supérieure de physique-chimie-électronique de Villeurbanne. Il est l'un des principaux acteurs du dialogue islamo-chrétien en France. Ancien membre du Conseil français du culte musulman, deux fois président du conseil régional du culte musulman, Azzedine Gaci avait été l'initiateur du voyage interreligieux à Tibhirine en 2007 avec le cardinal Barbarin, le recteur Kamel Kabtane, Azzedine Gaci...etc

    La conférence sera normalement précédée de la diffusion d'une vidéo introductive de douze minutes, réalisée par la journaliste italienne Anna Pozzi.

    Je remercie les jésuites de la rue Sala de nous accueillir pour cet événement : l'esprit de dialogue fraternel et de simplicité incarné par le pape François est en tout point celui dans lequel évoluent les moines de Tibhirine.

    Cette conférence sera l'occasion (notamment) de vous faire part des toutes dernières nouvelles de la vie de la communauté à Midelt (Maroc) et de l'ex-monastère de Tibhirine (Algérie).

    Rendez-vous le 19 octobre!

    Nicolas Ballet

  • Les "passeurs de joie" de Tamié

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    L'abbaye de Tamié (Savoie) - photo prise par les moines (www.abbaye-tamie.com)

    Tant pis si le beau temps n'était pas au rendez-vous. La famille de frère Paul, elle, était bien là! Bonheur de tous les revoir : Françoise, Eric, Annick, Bernadette...etc. Dimanche 15 septembre, ils m'avaient convié à leur repas annuel, dans l'intimité, à l'abbaye de Tamié, en Savoie - hommage discret, entre proches, à leur oncle, leur frère, assassiné en 1996 en Algérie avec les six autres trappistes de Notre-Dame de l'Atlas.

    Je suis arrivé la veille dans ce monastère posé au sommet d'une combe : superbe endroit, vu de l'extérieur, comme à l'intérieur. Les moines ont mis un soin infini à l'entretien de ces bâtiments du XVIIe siècle. Tout y est beau, raffiné - je pense, parmi mille autres détails, à ce petit lavabo en cuivre et pierre, digne des Compagnons du Devoir, à disposition près de l'entrée principale, ou encore, à ces plinthes en bois de chêne au réfectoire de l'hôtellerie, que l'on a envie de caresser (et d'ailleurs, on les caresse), tant elles ont été rendues douces par le polissage de ces artisans de Dieu.

    C'est donc là que frère Paul, martyr de Tibhirine, est entré comme moine au milieu des années 1980, et que, trente ans plus tard, les acteurs du film Des hommes et des dieux (Lambert Wilson, Jean-Marie Frins...etc) sont venus s'exercer au chant, entonnant le Salve Regina devant la "Vierge à l'enfant" d'Arcabas, dans le choeur de l'abbatiale. Ils auront pu contempler sans doute les superbes créations florales de frère Didier - il avait réalisé une installation pour la mort des Sept de Tibhirine, qu'il a immortalisée sur pellicule (la photographie a été tirée à plusieurs exemplaires pour être offerte à des familles des martyrs de l'Atlas).

    Samedi soir, le père abbé italien de l'abbaye, reconnaissable à sa pittoresque et interminable barbe blanche lui donnant de faux airs de Leonardo di Vinci, a réuni un chapitre - l'ensemble de la communauté d'une petite trentaine de moines - pour me permettre de parler un peu du livre et du devenir des frères de Midelt au Maroc. Les chapitres s'ouvrent toujours par la même formule incantatoire, avant que chacun ne prenne place : "Notre secours est dans le nom du Seigneur..." lance l'abbé. "...Qui a fait le Ciel et la Terre" poursuit la communauté. Cela donne beaucoup de solennité à ces réunions.

    Le brouillard n'enveloppait pas que la forêt de Tamié ce soir-là. J'étais fatigué et peu opérationnel intellectuellement! Mais en vingt minutes, nous avons essayé de faire le tour de la question. Les moines m'ont demandé si le sujet de Tibhirine continuait d'intéresser ou pas le public, et si les musulmans avaient réagi ou non au livre. A ces questions, j'ai répondu que le public des conférences était âgé de 60 ans et plus, sauf à Dijon en juin, où j'avais aperçu plusieurs étudiants. Et concernant les musulmans, peu de réactions, même si je sais, par des échos indirects, que des Marocains et des Algériens l'ont lu.

    J'ai fait brièvement la connaissance à l'abbaye de Tamié de frère Jean-Baptiste, dont j'ai appris qu'il avait passé quatre mois en renfort à Midelt au début tout début de l'arrivée du "petit reste" au Maroc.

    Puis passage par le magasin, où est vendu le fameux fromage de Tamié - les moines ne sont plus assez nombreux pour entretenir un cheptel et le lait est acheté dans les fermes environnantes pour fabriquer ce disque crémeux, nous a appris le responsable de la fromagerie, Nathanaël.

    C'est l'un de ces fromages de Tamié que frère Paul avait rapporté à Tibhirine, pour ses frères moines, et que l'on avait retrouvé dans le scriptorium, après l'enlèvement.

    Frère Paul, un de ces hommes que j'aurais aimé connaître, mais dont, étrangement, j'ai l'impression d'être devenu familier, par la fréquentation de ses proches, devenus au fil des ans des amis : ils présentent plus ou moins avec lui des ressemblances physiques exprimant une même bonté, une même générosité.

    Une anecdote tout de même. Ce week-end, ma recherche de cèpes dans les forêts de Tamié n'a rien donné! Le père abbé, lui, en a trouvé plusieurs kilos, tout à fait par hasard. Mais il a eu la tempérance de n'en emporter qu'une petite partie - il y en avait peut-être 20 kilos, là, sous ses yeux.

    J'ai aimé apprendre que Frère Paul, amoureux des balades en montagne, s'échappait parfois du monastère (avec l'accord de son supérieur!) pour aller aux champignons.

    J'aime les gens qui partagent cet amour des choses simples, des confidences, des éclats de rire. Ce que l'on nomme convivialité.

    L'esprit de Tibhirine n'est pas autre chose.

    Et il n'est point besoin de mettre, nécessairement, de la religion là-dedans ; chacun fait comme il l'entend.

    Lors de l'office de dimanche, un frère a, dans son homélie, cité un poème de Frère Christophe de Tibhirine, intitulé "Passeur de joie".

    La famille de frère Paul est de ces "passeurs de joie".

    Merci à eux.

    Nicolas Ballet

    P.-S. Dans le Livre d'or de l'abbaye, une visiteuse allemande écrivait que Tamié est, à une lettre près, l'anagramme de (H)eimat (patrie, en allemand). J'ajouterais : l'Amit(i)é a Tamié pour (H)eimat

  • Voyage sur l'île de San Giulio en Italie

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    Orta (Italie). L'abbaye bénédictine Mater Ecclesiae, vue du Sacro Monte /Photo Nicolas Ballet

     

    "Un lac, comme l'oeil du Ciel. Une île, comme sa pupille (...)"
    Anna Maria Cànopi

    Entre fin juillet et début août, j'ai passé une semaine à Orta, petite ville du Piémont connue des amateurs de philosophie pour avoir été le théâtre de "l'idylle" plus ou moins fantasmée entre Friedrich Nietzsche et Lou Andréas-Salomé en 1882. Mis en relation par Paul Rée, ils avaient ensemble parcouru la vingtaine de curieuses chapelles du Moyen-âge dédiées à saint François d'Assise, sur le Sacro Monte. Le site est désormais inscrit au "Patrimoine mondial" de l'Unesco (au passage, je m'interroge : quand donc cessera cette manie du classement Unesco qui ne veut plus rien dire tant elle est galvaudée, et "oblige", en quelque sorte, le touriste à s'extasier, si possible bouche bée, devant tel ou tel "site remarquable"? Est-on encore dans la culture lorsque l'on prédéfinit ce qui est beau, et lorsque l'on prétend décréter ce qui est beau pour autrui?) Ces chapelles le plus souvent de style byzantin décrivent les différentes étapes de la vie du "poverello" d'Assise, avec des fresques mais aussi des sculptures grandeur nature en leur sein, qui font penser (forcément!) à des crèches géantes. On aime ou on n'aime pas - personnellement, j'ai trouvé cet ensemble parfaitement kitsch, sans grande émotion et finalement, en tout point contradictoire avec l'esprit franciscain qui me semble bien éloigné d'une telle surabondance de monuments, de couleurs et de dorures (vous n'en verrez donc pas de photos sur ce blog :-)

    Du haut du Sacro Monte se contemple le lac d'Orta au milieu duquel émerge une vraie perle : l'île de San Giulio, principalement occupée par l'abbaye bénédictine de femmes Mater Ecclesiae, fondée en octobre 1973 par Anna Maria Cànopi. Quarante ans plus tard, celle-ci en est toujours la mère abbesse et c'est sa communauté qui a été désignée par la maison d'édition italienne Paoline (Milan) pour traduire L'esprit de Tibhirine. Paoline sont les éditions des Soeurs de Saint-Paul, spécialisées dans l'apostolat par la presse et par les livres - et Paoline a publié les écrits de cette nonne, grande "connaisseuse" des Pères de l'Eglise.

    J'avais proposé aux moniales de leur rendre visite pour les aider dans ce travail, entamé par elles au moment de Pentecôte et désormais terminé. Soeur Maria Maddalena et soeur Maria Diletta m'ont accueilli trois jours de suite pendant une heure au parloir de l'abbaye. C'est la première fois que l'abbaye traduit un livre du français vers l'italien - mais ce n'est pas, loin de là, son premier travail de traduction! Les deux nonnes voulaient s'assurer de n'avoir pas commis de contre-sens, "la langue évoluant très vite à l'extérieur, alors que nous, nous vivons cloîtrées". Un dictionnaire à portée de main, nous avons cherché ensemble les meilleures réponses possibles, après avoir longtemps buté, parfois, sur des détails, comme l'équivalent italien de l'expression "odeurs insolentes de miel" (dernier chapitre) ou même (chapitre premier), le nom précis du mécanisme qui avait permis à Frère Jean-Pierre de défaire la poignée de sa porte durant la nuit de l'enlèvement (le mot "targette", que nous n'avions pas retenu dans le texte français en raison de son caractère trop technique, a été préféré en italien par les bénédictines, qui assurent que ce terme est couramment utilisé dans leur pays). Elles comme moi ont la passion du mot juste. Ce fut une chance de pouvoir ainsi collaborer à ce patient travail de leur part. Leur mémoire du texte m'a impressionné : elles s'en sont imprégné jusqu'à l'os. Bel échange. Et quelle intense gratitude dans leur regard qui rappelle à chaque instant le sens du mot "présence"!

    La révérende mère abbesse Anna Maria Cànopi m'a reçu plusieurs fois dans son bureau. Avec l'aide d'une traductrice, elle m'a parlé de l'abbaye où tout, en 1973, n'était que ruines, les six pionnières y crevant même la faim au point de devoir être nourries par des salésiennes d'un village du rivage voisin... L'abbaye est aujourd'hui un ensemble architectural d'une grande beauté et l'une des rares en Europe à ne pas connaître de crise des vocations - n'était la règle de saint Benoît, elle pourrait s'enorgueillir de compter près de soixante-dix moniales, dont une dizaine de novices, certaines âgées d'une vingtaine d'années. Anna Maria Cànopi, une religieuse de 83 ans à la personnalité très charismatique (il faut l'entendre lire ses méditations ou conduire l'office de matines, à 4h50!), est "un peu considérée comme une sainte en Italie", m'a dit un retraitant italien : auteure de quantité d'ouvrages de poésie ou de réflexion sur la spiritualité bénédictine, elle avait été chargée par Jean Paul II de rédiger une méditation sur le Chemin de Croix pour la Semaine Sainte de 1993.

    Le dernier soir, Anna Maria Cànopi m'a demandé de donner une conférence devant sa communauté. J'étais installé à un pupitre, avec devant moi, une grille basse sur toute la largeur de la pièce, délimitant la clôture monastique. De l'autre côté de cette grille, près de soixante-dix moniales en scapulaires et voiles noirs (blancs pour les novices), assises en arc de cercle, les yeux clignotant d'impatience et de curiosité : quel vent de fraîcheur, soudain! J'en garde un souvenir ému et regrette de n'avoir pas osé sortir mon appareil photo pour immortaliser la scène, avec leur autorisation. On se serait crû devant un tableau de Rembrandt, d'un noir lumineux. Est-ce l'austérité de la vie religieuse qui fait la valeur des temps de loisirs? Toujours est-il que j'ai été frappé, lors de mon intervention, par les éclats de rire et la joie véritable de ces nonnes réagissant avec un enthousiasme contagieux à la moindre de mes tentatives de plaisanteries. Des gamines, vous dis-je!

    "Momento molto toccante" s'est réjoui une nonne, après la conférence. J'ai eu droit à de longs applaudissements de l'assemblée. La communauté m'a remercié de ma venue en m'offrant de beaux et symboliques présents, certains étant destinés également au monastère de Midelt. J'avais moi-même apporté des cadeaux qui se voulaient symboliques. Cette abbaye -dont les bâtiments les plus anciens datent du IXe siècle et dont la basilique abrite les reliques de San Giulio (IVe siècle) - est réputée pour son atelier de restauration de tapisseries anciennes et son autre atelier de réalisation d'icônes (plus d'un an de travail pour peindre une icône, "le temps d'y mettre toutes nos prières et tout notre dialogue avec Dieu" : on ne trouvera pas ici de ces "fausses antiquités" fabriquées à la chaîne en Roumanie et vendues à prix d'or dans la Vieille Ville de Jérusalem). Elle l'est aussi pour ses choeurs féminins (plusieurs CD de chants grégoriens ont été enregistrés ces dernières années).

    "La traduction est en de bonnes mains et je suis heureux des liens tissés avec cette abbaye. La révérende Anna Maria Cànopi a écrit un commentaire de la Règle de saint Benoît qui vient d'être traduit en français. Nous avons bien besoin de ce genre de repères en notre temps" m'a écrit Frère Jean-Pierre, que j'informais du déroulement de ce voyage. Les moniales ont vivement apprécié le livre. L'une d'elles a même confié avoir pleuré à la dernière page. On (en particulier le prêtre attaché à l'abbaye) m'a raconté que plusieurs revues italiennes avaient déjà parlé du livre paru au Seuil. "Il est précieux d'avoir pu recueillir cet intense témoignage" m'ont dit les bénédictines, en regrettant de ne pouvoir rencontrer la communauté de Midelt. A croire que depuis 1882, Orta est devenu le lieu des espoirs déçus ici-bas!

    Je vois en tout cas un point commun entre le monastère de Midelt et l'abbaye Mater Ecclesiae d'Orta, et il m'est apparu sur le canot qui me ramenait au port, en observant ce beau paysage qui me faisait face : îlot dans l'océan d'islam pour le premier, île confetti au milieu d'un lac pour la seconde. Une situation qui rend, à chaque fois, très dépendant de l'autre pour sa survie, et qui permet, peut-être, de mieux intégrer la nécessité de cet autre du dehors, pour sa propre existence. Cette particularité "force" à développer des liens avec l'extérieur : le trappiste Thomas Merton n'avait-il pas écrit un livre intitulé "Nul n'est une île"? Claustration n'est pas toujours fermeture... D'ailleurs, il est tout aussi essentiel de s'ouvrir, dans cette médi(t)ation, à l'étranger que nous sommes toujours pour nous-mêmes.

    Aussi voudrais-je terminer ce bref récit par une poésie d'Anna Maria Cànopi, approximativement traduite en français, et déposée sur le bureau de ma chambre qui donnait, par une vaste terrasse, sur le si paisible lac d'Orta. Elle s'intitule "Le Chemin de la méditation"

    Le voyage commence tout près
    Les murs sont dans nos têtes
    Ouvre ton être
    Le moment est maintenant, ici, à présent

    Laisse toi-même et tout qui est à toi
    Accepte-toi, grandis, mûris
    Sois simple, sois toi-même
    Le sage se trompe et sourit
    Si tu arrives à être
    Ce que tu es, tu es tout
    Quand, de cela, tu es conscient
    Le voyage est terminé

    Pour nous, et pour le livre, il continue...

    Nicolas Ballet

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    P.-S. En un an, bien des choses ont évolué depuis la publication du livre. Je profite donc de cette note pour vous faire part de toutes dernières informations sur l'ex-monastère de Tibhirine en Algérie car j'ai appris en juillet que Anne et Hubert Ploquin, les Français qui s'occupaient de l'accueil des touristes sur place depuis un an et demi et dont je parle dans le dernier chapitre, venaient de finir leur mission et de rentrer en Ille-et-Vilaine, définitivement. Les Lyonnais auront la possibilité d'écouter leur témoignage fin août à l'Université d'été des Assomptionnistes à Valpré (Ecully, le 23 août). Evidemment, cela pose la question de leur "succession" à Tibhirine. Le père Jean-Marie Lassausse, qui s'occupe de l'exploitation agricole de Tibhirine, m'a indiqué que des solutions étaient déjà trouvées pour les deux années qui viennent (un bénévole est déjà à pied d'oeuvre sur place), et qu'il n'y avait aucun souci à se faire : pèlerins et touristes pourront continuer de visiter les lieux.

  • La traduzione è quasi finita!

    Les moniales bénédictines de l'île de San-Giulio (Piémont) ont presque fini la traduction en italien de "L'esprit de Tibhirine". Il reste à peaufiner ce travail dans les moindres détails, à en lisser les aspérités - c'est-à-dire notamment : à lire la traduction à voix haute à la communauté pour traquer d'éventuelles imperfections - ce qui prendra encore du temps. Le livre doit sortir au printemps prochain en Italie (Editions Paoline)."Il n'y a pas oreilles plus attentives et cœurs plus à l'écoute que ceux des moniales de San Giulio", dit-on là-bas. N.B.