Invité de l'émission "Le Docu-Débat" de Benoît Duquesne, sur Public Sénat
Dans le cadre de l'émission "Le Docu-Débat", présentée par Benoît Duquesne, la chaîne "Public Sénat" diffusera samedi 1er février le documentaire de Romain Icard, "Algérie : qui a tué les moines français?" (2010), suivi d'un débat de 45 minutes avec Akram Belkaïd, journaliste, Henry Quinson, ancien moine, Kader Abderrahim, chercheur à l'Iris, et moi-même.
L'enregistrement a lieu ce mardi 28 février au Sénat à Paris.
Première diffusion samedi 1er février à 22h55. Rediffusion dimanche 2 février à 19 heures, lundi 3 à 18 heures, samedi 8 à 16h15.
Nicolas Ballet
Quelques remarques importantes après cet enregistrement :
1 - Ce documentaire comporte quelques inexactitudes factuelles à propos des moines de Tibhirine. Ainsi quand l'auteur affirme que les moines ont pris la double nationalité franco-algérienne, il se trompe : tous ne l'ont pas prise. Certains ont essayé de l'obtenir, mais n'ont jamais abouti dans leurs démarches (Christian de Chergé). D'autres n'ont jamais voulu la demander (Frère Jean-Pierre...etc) car ils ne se sont jamais posé la question de le faire. Cela ne les intéressait pas, tout simplement. En outre, un moine est présenté sur une photo comme étant frère Célestin, alors qu'il s'agit de frère Christophe. Je ne m'attarde pas sur d'autres détails de moindre importance.
2 - Il faut souligner que ce documentaire, toujours, a été diffusé pour la première fois en 2010 sur Canal + (si je ne me trompe pas de chaîne). Il s'agit donc d'une rediffusion, sur une autre chaîne, quatre ans après. Or, en quatre ans, de l'eau a coulé sous les ponts.
D'où quelques distorsions problématiques. Ainsi, la fin de ce documentaire de 2010 se termine par une tentative d'interview du Père Jean-Marie Lassausse dans l'ex-monastère de Tibhirine, en Algérie, pour lui demander son avis sur la question "Qui a tué les moines". Il refuse de répondre, ce qui est son droit le plus strict. (Passons sur le fait que Jean-Marie Lassausse est présenté dans le récit comme un "frère", ce qui est inexact : il n'est pas moine, ni membre d'une fraternité, il est prêtre-ouvrier) La voix OFF conclut le documentaire en disant que "Depuis le départ des moines, plus personne n'a le droit de vivre au monastère". C'est faux Pourquoi? D'abord parce que dans les années 2000, après une tentative de relance avortée par une poignée de trappistes, des religieuses, les Petites Soeurs de Bethléem, ont vécu deux ans au monastère; elles en sont parties d'elles-mêmes en 2009 car la greffe n'a pas pris en raison de leur option de vie contemplative qui ne pouvait coller avec l'esprit de voisinage pratiqué par les moines. Et aussi parce que des volontaires, tel Jean-Paul, sont venus donner un coup de main pendant de longues périodes à Jean-Marie Lassausse. Et Jean-Paul résidait sur place.
Ensuite, sous l'effet notamment du film Des Hommes et des Dieux (2010), l'étau des autorités algériennes s'est peu à peu desserré d'un cran encore, de sorte qu'un nombre croissant de visiteurs a pu dormir sur place. En décembre 2011, un couple de Français, Anne et Hubert Ploquin (lui, diacre de l'Eglise catholique), est venu passer un an et demi à Tibhirine dans le cadre d'un volontariat au monastère, pour accueillir les pèlerins et visiteurs (certains dormant à l'hôtellerie), entretenir les bâtiments, bref, aider Jean-Marie Lassausse. Ils vivaient et dormaient au monastère toute la semaine. Depuis leur retour (volontaire et définitif) en France à l'été 2013, des prêtres et de nombreux bénévoles se sont succédé pour prendre le relais, et venir épauler à leur tour le Père Lassausse. A partir de mars 2014, un nouveau coopérant catholique doit d'ailleurs faire son arrivée pour deux ans.
Durant l'émission, j'aurais aimé pouvoir mettre le doigt sur ces changements importants et ces erreurs ou raccourcis plus que gênants. Malheureusement, l'enchaînement rapide, sur d'autres sujets, des conversations avec les trois autres invités, ne m'a pas permis de le rappeler à l'antenne, alors même que j'avais signalé ces incohérences rétrospectives à Benoît Duquesne avant le début de l'émission. Les familles des moines, les bénévoles actifs à Tibhirine, le père Lassausse lui-même, s'ils tombent sur ce documentaire, risquent de bondir de leur chaise. Et ils auront raison car il s'agit là d'une regrettable anomalie qui peut engendrer des confusions dans l'esprit des téléspectateurs. Je n'ai pas l'habitude de taper du poing sur la table... Mais soyons humbles! La télé est un art difficile, il faut y être habitué. Et impossible de tout dire. Voyons plutôt le positif : l'essentiel est d'avoir pu reparler, longuement, du message des moines. Et pour cela notamment, il faut vraiment remercier "Public Sénat" de son initiative qui contribue à ce que la fin tragique de ces religieux ne tombe pas aux oubliettes.